"Mesdames, Messieurs, je me présente, je m’appelle Tolbiac Juillet. Je suis une croche comme on dit dans le milieu. Un vide-gousset, un filou, un bonneteur, pour les anciens. Un enfoiré de voleur à la tire selon la police. Et un pickpocket, contre qui l'on met en garde dans le métro. Vous aurez beau dire, vous aurez beau faire, vous ne quitterez pas cette rame en possession de tous vos effets personnels. Ainsi va la vie. Et merci pour votre contribution. Si tu peux me casser la gueule ? Pas possible, compte tes doigts, ils sont déjà dans ma poche."
"Ses sourcils prirent la forme de deux accents circonflexes perdus dans un manuel de ponctuation"
"Tu parles du fameux prix à payer ? Tu paieras quoi qu'il en soit. Tu paieras pour ton action ou ton inaction."
"Ce soir, nous venons de fréquenter l'autre côté du bouquet, celui est défait et qui fanera avant tout le reste"
"Elle ressemblait à l’une de ces citadines qui rajoutent toujours plus de sel, plus de poivre, mais pour qui la vie n’a jamais assez de goût."
"J’aurais voulu l’emmener au large pêcher sur son grain de peau les embruns de Saint-Malo."
"Puis je l’observais et plus elle me faisait penser à ces gens pour qui le chagrin est une perte de temps et le bonheur un capital trop compliqué à entretenir."
"En réalité mes impressions étaient fausses. Mes impressions, c’était le petit doigts de pied qui se fracasse contre le pied de table."
"Tu te sens comment ? Sais pas trop, il me manque un mot entre abattu et fataliste. - Abaliste ? Plutôt Fatatu."
"D’un doigt magnétique, aussi fier qu’une boussole, j’indiquai l’improbable direction. Quelque part entre le Nud et le Sord."
"Ils partagèrent un regard satisfait d’eux-mêmes, c’était un peu la calvitie qui dit à l’obésité, j’adore ce que tu fais."
"Elle m'avait pris entre quatre yeux. Le mouvement de ses lèvres, maquillées à la perfection, me fit l'effet d’avoir toujours un temps d'avance sur l'opprobre qu'elle me jetait au visage. C'était bien la première fois qu'un gloss à la framboise me vomissait dessus"
"-Enchanté, Tolbiac Juillet.
-Tolbiac, comme le métro?
-Plutôt comme la rue.
-Je la connais mal.
-Moi très bien, j'y suis né.
-Vous me racontez?
-Déjà?
-Vous venez de m'embrasser.
-Aucun intérêt, c'est une histoire affreusement ennuyeuse."
"Mathilde me pilonnait du regard. Son humeur était à la torture, elle aurait roulé un poussin dans du verre pilé."
"J'entrai dans un magasin de meubles. Il fallait absolument que je me trouve cette fameuse table des négociations qui, soi-disant, résolvait tous les problèmes..."
"Décidément, toute ma vie j'attirerai la sympathie des grands-mères. Je n’aspirais pourtant qu'à être ignoré d'elles comme de tous. J'aurais aimé avoir la lippe méprisante, l'air dur et détaché. Une tronche à vous faire changer de continent. Au lieu de ça, je traînais une de ces gueules de gentil garçon, avec mes fossettes et mon air de connard magnanime qui tente de faire reculer la courbe du chômage. Et encore, paraît-il qu'avec le temps je m'étais mâtiné d'un charme canaille comme disait mon adorée et regrettée Rustrelle. Avoir grandi dans un cabaret de magiciens, entouré d'artistes qui illusionnent, truquent et bonimentent jusque dans leur propre sommeil, n'y était sans doute pas étranger".
"Impuissant, Charlie assista à l'effondrement d'un pan entier de son monde arc-en-ciel. Mais il sécha aussi vite ses yeux qu'il enterra ses doutes. Sa vache à lui, elle n'était pas comme celle de son père. Il l'avait vu dans ses grands yeux aussi doux et inoffensifs que celle d'une gazelle. Définitivement, rien ne justifiait le fait de ne pas avoir de prénom. Peu importe la durée et les vicissitudes de l'existence, l'âme se fossilise. Sans prénom on quitte le monde organique pour devenir minéral. Pour Charlie, sans prénom, on n'était ni plus ni moins qu'un caillou."
Elle nichait dans une pièce à la blancheur laiteuse. Il y régnait une température bienveillante et une sérénité de bord de plage. Elle avait réussi. Tout s'était déroulé conformément à ses plans. Elle n'avait pas souffert, tout juste ressentait-elle une gêne pour respirer. Maintenant qu'elle était morte, vivre sera plus léger.
L’héroïsme et l'élégance des âmes tout cela lui plaisait déjà.
"C'est alors qu'elle passa devant moi. Un bel ange brun à la peau diaphane qui sortait
du Mélodiste, un magasin de musique situé à vingt mètres du Magic. Elle s’arrêta un instant, emmêlée comme une clé de sol entre les lanières de son sac."
"Puis le jour nous quitta. Il fut recueilli par la nuit miséricordieuse, qui le voyant sali par tant de turpitudes, décida de le laver et de le baigner encore. Ainsi les sages expliquaient les déluges nocturnes. Plus déshonoré était le jour, plus consolatrices se voulaient les ténèbres. Et la pluie redoubla"
"J’avais pleuré, de dos, avant de m’endormir. Un bourdonnement lancinant m’importuna au carrefour des songes et de la réalité. Se produisit alors une altération de la lumière. L’ampoule de ma cellule ne ronflait plus, elle grésillait... Le phénomène se contenait. Comme un dragon qui vous jette son haleine au visage tout en vous préservant du feu. Soudain, tout s’arrêta.
[... } C’est ainsi qu’elle émergea des ténèbres, entourée d’un halo bleuâtre et vêtue du même kimono de soie qu’à Kyoto.
[...] Il y a des rendez-vous manqués qui provoquent la mort, et d’autres qui vous montrent la voie."